De quoi parle-t-on quand on évoque les labels musicaux ?
« Aujourd’hui, cela englobe une très grande diversité d’acteurs : beaucoup de structures se disent être des labels, mais le terme recouvre des situations et des activités très différentes. On peut distinguer deux grandes familles : les labels qui sont dans une logique de distribution, de diffusion importante, pour amener aux artistes une visibilité nationale ou internationale. Ceux-là prennent des risques financiers dans la production, le projet artistique. À côté, on trouve des structures plus petites, avec des sorties plus confidentielles, des formats plus légers ; ce sont en quelque sorte des défricheurs. »
Nantes est-elle une ville de labels ?
« Historiquement depuis les années 1990, il y a une centralisation très forte sur Paris, quelques labels à Lyon et Bordeaux, les autres villes sont peu représentées – c’est le cas de Nantes et sa région. Mais le paysage nantais est assez complet, avec à la fois des labels de taille intermédiaire et d’autres de taille importante, représentant toutes les esthétiques musicales. Quelques-uns sont là depuis longtemps, comme Yolk, Yotanka qui est aujourd’hui un des plus gros labels indépendants en France, avec une très forte visibilité et des artistes moteurs. La ville compte aussi des labels pop, rock (Daydream Music, Musazik…) ou rap, avec Dalia, monté par l’équipe de Krumpp. Il existe des labels plus petits mais intéressants, comme Urticaria : de vrais passionnés qui ont acquis une vraie reconnaissance sur une niche post-punk et hardcore. Et toutes les sorties du label sont en format K7 ! Mais depuis quelques années, la dynamique la plus importante à Nantes concerne les musiques électroniques, avec notamment Garde-Robe records, le label d’Androgyne qui assure la direction artistique du Macadam, ou 44 Tours records, le label du bar, très défricheur, TEMƎT monté par Simo Cell, ou encore Abstrack records. D’autres tendances musicales tendent à se structurer, avec une scène locale importante autour du RnB, de la néo-soul... »
Comment vivent ces structures ?
« De nombreux labels doivent diversifier leur activité pour augmenter leurs revenus, en faisant de l'édition et de la synchro (placement de titres dans des publicités, des films), des relations presse, ou encore du service décentralisé aux artistes. Le marché du support physique (le vinyle, le CD qui est reparti à la hausse) ne peut pas être négligé dans le financement. Mais les vrais enjeux concernent le streaming, sur lequel a basculé la consommation de musique. Les labels sont dépendants des mode de rémunération décidés par les plateformes, or celle-ci se concentre sur les artistes les plus écoutés, ceux qui sont poussés par le public jeune. Pour les autres, c’est plus difficile... Changer les règles permettrait peut-être de financer la "classe moyenne" des labels. Universal et Deezer viennent de signer un accord pour des rémunérations plus justes, on espère que cela aura des incidences en cascade. Il y a en tout cas un vrai débat. Une autre question qui se pose aux labels, c’est que la découverte musicale se fait désormais sur des réseaux comme TikTok. Ça change une partie de leur métier et ils doivent trouver de nouvelles manières de communiquer, trouver les médias adaptés. »