Qui a pu visiter le centre de tri Arc en ciel 2034 à Couëron ou l’usine Alcea, prairie de Mauves à Nantes, en témoignera : nous produisons beaucoup de déchets. Pourtant, sur le territoire, des citoyens agissent pour changer cette réalité : entrepreneurs, collectivités, mais aussi simples citoyens. Depuis 2015, 800 foyers ont pris part au défi Zéro déchet de Nantes Métropole, animé par les associations Ecopôle et Les Boîtes vertes. Plusieurs mois d’informations, de visites, de conseils pour faire maigrir les poubelles. Grégoire Macqueron, Lucille Tamalet et Soizic Robert, accompagnée pour l’occasion de Juliette, une bénévole du Perray, en font partie. Rassemblés à Nantes, à la Galerie du zéro déchet, ils ont échangé pendant près d’une heure et demie sur leur démarche, confiant leurs motivations, leurs doutes, leurs réussites. Ils ont parlé cuisine, vie de famille et même litière pour chats – compostable, bien sûr ! Bienvenue dans leur discussion.
Pourquoi on s’est lancés
Grégoire : « J’étais déjà dans une démarche environnementale, je faisais du tri. J’y trouvais un intérêt très pragmatique : ne plus avoir une poubelle qui sente, avec du jus de poubelle et qu’il faut sortir très régulièrement. À mon arrivée à Nantes, j’avais aussi besoin de rencontrer des gens, de connaître des réseaux. C’était un nouveau départ, et ça a été le déclic pour moi. »
Soizic : « C’est vrai que ça permet de rencontrer beaucoup de gens. Moi, j’y suis venue par le travail. Au centre Accoord, on anime les défis transition pour le quartier du Perray. »
Lucille : « Je trouve ça cool que des centres Accoord participent en tant que structures relais, ça permet de drainer des personnes de différents horizons, de ne pas prêcher que des convaincus. Moi, je suis tombée dedans il y a longtemps. Quand j’avais 20 ans, ma sœur a eu un premier bébé, et je lui avais acheté des couches lavables, des lingettes en tissu, etc. J’avais trouvé la seule boutique à Paris qui devait en vendre à l’époque. Je suis une convaincue, et je voulais faire le défi Zéro déchet dans l’idée de m’améliorer. »
« Le vrac, j’y vais seulement quand j’ai un travail. Et quand je suis au chômage, je vais au supermarché. Il faut s’adapter. »
Ce qu’on a changé
Soizic : « J’ai complètement revu ma façon de cuisiner, notamment avec le confinement. Par rapport à il y a dix ans, ça a énormément évolué, j’en suis très fière. Je vais faire mes courses, maintenant, une fois par mois. J’ai la possibilité par le travail d’acheter fruits et légumes tous les 15 jours. Du coup, on ne mange pratiquement plus de viande et on fait avec ce qu’il y a dans les placards. Les produits périmés, je ne sais plus ce que ça veut dire [rire]. »
Grégoire : « Pour moi, l’avancée a été le lombricomposteur. En appartement, les déchets alimentaires m’embêtaient beaucoup. C’est ce qui sent le plus. J’ai eu deux ratés, avec une invasion de moucherons – je l’avais laissé trop longtemps ouvert, ils sont entrés –, puis une invasion de fourmis. Il ne faut pas laisser une nuit des pelures de concombre sur le plan de travail, ça ne marche pas ! Mais j’avais vraiment des doutes sur le fait de faire un compost chez soi dans un truc complètement fermé. J’ai vu qu’avec un peu d’attention ça marchait. Et on obtient des résultats : cette année, 152 kg, la moitié de ce que produit un Français moyen. »
Lucille : « Grâce au défi, je fais beaucoup plus mes courses dans les magasins de vrac. Mais j’y vais seulement quand j’ai un travail. Quand je suis au chômage, je vais au supermarché. Il faut s’adapter. »
Soizic: « Et puis il y a des supermarchés qui se sont mis au vrac. En fonction de ton lieu d’habitation, ça peut être une solution. »
Les obstacles, les questions
Grégoire : « Mon premier problème est que je vis en appartement. Je n’ai pas de jardin, pas beaucoup de place. J’ai aussi beaucoup de mal à toucher les aliments, ça me dégoûte. Du coup, sur la cuisine, je ne peux pas en faire autant que certains. Mais je peux faire beaucoup quand même. »
Lucille : « La question de ce que ça coûte, c’était mon angoisse. Par exemple, je trouve super la démarche du vrac. Mais le budget peut freiner. »
Soizic : « Surtout pour les familles nombreuses. Dans le quartier, on a des familles qui n’y vont jamais, avec le Leclerc qui est juste à côté. »
Lucille : « J’aimerais que ça ne soit pas un frein, mais ça l’est. Ce qui nous a été dit, c’est qu’on réduit notre budget parce qu’on prend pour la semaine, et qu’on attache plus de valeur à ce qu’on achète. Donc on fait beaucoup plus attention à ne pas gaspiller. »
Soizic :« Je trouve aussi que c’est dur d’avoir des gens à la maison qui ne sont pas habitués. Je me surprends souvent à dire “Non, pas cette poubelle-là, s’il te plaît.” C’est idiot, je n’ai pas à dire aux gens qui viennent ce qu’ils doivent faire. Quand ma grande de 22 ans est là, la tonne de cartons de livraison et d’emballage, c’est une catastrophe… Et quand on me voit fouiller dans la poubelle pour récupérer quelque chose, on me dit que j’abuse. J’ai pris des réflexes qui peuvent paraître surprenants. »
Lucille : « Moi aussi, je le fais, mais discrètement, je ne le fais pas remarquer. Après, je sais très bien que le but n’est pas tant de trier que de réduire ses déchets. »
Grégoire : « Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. »
« Si je vais aussi loin, c’est que je me dis parfois que si je ne cours pas deux fois plus vite alors que les autres traînent, on ne va jamais y arriver. Ça m’a servi à me dire que j’avais un vrai impact positif sur l’environnement. Avec le défi, j’ai vu qu’on était nombreux […] Ça m’a galvanisé. »
Ce qu’on en retient
Soizic : « Moi, je trouve que si on prend l’habitude de faire un geste, c’est déjà ça de gagné. On fait un travail de fourmi. Il faut y aller librement. Au centre Accoord, les ateliers étaient ouverts à tous, ça donne l’occasion de pratiquer, et les gens viennent volontiers, ils sont demandeurs. »
Lucille :« Chacun peut aller à son rythme. Le terme défi Zéro déchet peut faire peur, mais on prend ce qu’il y a à prendre. Faire cette démarche avec des enfants, ça la rend concrète. Ma fille a 8 ans. Elle me demande à chaque fois dans quelle poubelle mettre les déchets. Elle n’aime pas les vers de terre, elle en a marre d’aller au jardin. Mais on avance ensemble. »
Grégoire : « Si je vais aussi loin, c’est que je me dis parfois que si je ne cours pas deux fois plus vite alors que les autres traînent, on ne va jamais y arriver. Ça m’a servi à me dire que j’avais un vrai impact positif sur l’environnement. Avec le défi, j’ai vu qu’on était nombreux, que je n’étais pas seul à trier. Ça m’a galvanisé. J’ai vu que ce n’était pas inatteignable, que c’était possible d’agir. Il vaut mieux arrêter d’en parler et faire. C’est comme ça qu’on rend les choses plus normales. »
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