Démolir ou conserver ? Il y a un an, après six mois de concertation citoyenne, le maire de Nantes annonçait la décision de préserver et de faire évoluer le bâtiment Cap44, dans le Bas-Chantenay. L’imposant bâtiment en béton armé, érigé en 1895 pour les Grands Moulins de Loire, cache en effet un procédé de construction révolutionnaire à l’époque : le procédé Hennebique. Pour révéler sa valeur patrimoniale, témoin de l’histoire industrielle nantaise, le choix a été fait de débarrasser l’édifice de son bardage bleu datant des années 1970. La partie Ouest, jugée la plus remarquable avec son porte à faux, sera conservée avec toute sa hauteur, tandis que la partie Est sera abaissée pour faire entrer la lumière dans le Jardin extraordinaire. Le rez-de-chaussée sera également ouvert largement pour dégager les vues sur la Loire. Et à l’intérieur, un étage témoin du procédé Hennebique sera restitué.
Les préconisations d’un comité scientifique
L’usage du bâtiment restait en revanche en suspens. Pour croiser les expertises et approfondir l’idée d’y créer un lieu autour de l’imaginaire vernien, la Ville de Nantes a installé un comité scientifique, composé de chercheurs, artistes et acteurs culturels. Ses 15 membres – parmi lesquels le réalisateur Marc Caro, le concepteur de l’Arbre aux hérons François Delarozière, des spécialistes de l’oeuvre de Jules Verne, ou encore les directeurs du Muséum et du lieu unique – ont rendu leurs conclusions en juillet 2019. « À l’unanimité, ils ont proposé une programmation cohérente autour de sept espaces offrant de multiples usages autour de l’univers exubérant de Jules Verne », explique Aymeric Seassau, adjoint au maire chargé de la lecture publique et médiathèques.
« Nous avons décidé de répondre favorablement à leurs contributions pour faire de ce lieu une Cité de l’imaginaire, abritant un grand musée dédié à Jules Verne. Un équipement inédit, emblématique de l’identité et de la fantaisie nantaises, invitant les visiteurs à explorer toutes les facettes de son œuvre et à s’ouvrir vers d’autres imaginaires éclairant les enjeux contemporains », a annoncé Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, ce mercredi 6 novembre. « Le transfert du Musée Jules Verne au sein de cette Cité, permettra de quadrupler sa surface actuelle pour présenter à tous les publics, la richesse des collections nantaises, aujourd’hui méconnue », précise Aymeric Seassau.
Des espaces tout public pour varier les usages
1. Quatre fois plus de place pour le Musée Jules Verne
Le Musée Jules Verne, actuellement à l’étroit, va quitter la maison bourgeoise de la butte Sainte-Anne pour rejoindre la future Cité de l’imaginaire. À la clé : près de 1000 m² d’exposition permanente, contre 250 m² dans l’actuel musée, pour présenter le riche fonds de manuscrits, lettres originales de Jules Verne, archives de son fils et de son petit-fils, mais aussi objets ayant appartenu à l’écrivain, constitué depuis trente ans à Nantes.
2. Un espace d’expositions temporaires au rez-de-chaussée
Éclectique, pluridisciplinaire et international, cet espace abordera de nombreuses thématiques en lien avec l’univers varié de Jules Verne : science-fiction, création artistique, imaginaire appliqué à la nature ou à la ville… Les expositions pourront y être associées à d’autres événements (dispositifs ludiques, rencontres, festival d’idées, etc.) en lien avec les établissements culturels et scientifiques de la métropole nantaise : Utopiales, Muséum, Planétarium, Université, Machines de l’île, Lieu unique, Maison Fumetti, etc.
3. Une « bibliothèque des imaginaires »
Cette bibliothèque d’un nouveau genre, pensée comme « une porte vers l’ailleurs », permettra de consulter et d’emprunter des documents, mais surtout se rencontrer dans un lieu ouvert sur la Loire, le ciel et le grand large. Intégrée au réseau des bibliothèques municipales, elle se distinguera par ses activités, assurées en partie par les habitants du quartier. L’offre documentaire, thématique et multi-supports, sera constituée de livres, DVD, BD, mangas, mais aussi de jeux de rôle, de plateau ou vidéos.
4. Un espace de création et de diffusion
Le lieu accueillera également des créateurs en résidence en lien avec la thématique des imaginaires : écrivains, paysagistes, plasticiens, scientifiques, vidéastes… L’espace de diffusion alternera activités de quartier et rendez-vous à plus large rayonnement : expositions, conférences, projections, etc., rendant visible l’importante dynamique associative et culturelle du quartier.
5. Belvédère, boutique et bar-restaurant
Point fort du projet, le toit de la Cité de l’imaginaire sera accessible gratuitement au public, offrant un panorama sans équivalent sur la Loire, le cœur de la métropole nantaise et le Jardin extraordinaire. Pour animer la vie du futur équipement, un restaurant-bar avec des tarifs abordables est envisagé, ainsi qu’une boutique en rez-de-chaussée.
Premiers travaux en 2022-2023
Le comité scientifique a par ailleurs validé la mise en place d’un dispositif de médiation consacré à l’histoire des Grands moulins et à leur place dans l’écosystème industriel de la Basse-Loire. Le rapport entre le quartier et le fleuve sera également intégré à l’offre muséographique. L’architecture en tiendra compte avec, à l’intérieur du bâtiment, des galeries et des espaces de circulation offrant des perspectives sur le Jardin extraordinaire, ses falaises, sa cascade, le ciel et la Loire. « L’enjeu est de révéler et de réinterpréter ce patrimoine original de manière contemporaine afin de le faire vivre », précise Alain Robert, adjoint au maire chargé de l’urbanisme.
Il faudra patienter quelques années pour que ce projet ambitieux voit le jour. Nantes Métropole va lancer en novembre une consultation pour choisir un programmiste et définir un pré-programme d’ici l’été 2020. Un concours d'architectes sera ensuite lancé en 2021. Objectif ? Un début des travaux envisagé en 2022-2023, pour une livraison à l’horizon 2025. Le coût des travaux de réhabilitation du bâtiment, à affiner lors de l’étude de programmation, est estimé à 15 millions d’euros hors taxes.